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Congés payés acquis pendant un arrêt maladie

 

En s’appuyant sur l’article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, garantissant à tout salarié une période annuelle de congés payés, la cour de cassation a écarté le droit national par divers arrêts du 13 septembre 2023.

En écho à ces arrêts, par une loi du 22 avril 2024, entrée en vigueur le 24 avril, le législateur a mis le Code du travail en conformité sur cette épineuse question de l’acquisition des congés payés pendant les périodes d’arrêt de travail pour maladie qu’elle soit professionnelle ou non.

Cette loi permet notamment :

 -          au salarié, d’acquérir des congés :

o   au rythme de 2 jours ouvrables par mois en cas de maladie non professionnelle (soit 24 jours ouvrables par période d’acquisition) ;

o   et, désormais, au-delà d’une durée d’un an de suspension du contrat de travail, à raison (sans changement) de 2,5 jours ouvrables mensuels de congés lors d’un d’arrêt de travail pour AT/MP ;

Rappel : Le code du travail prévoit des équivalences favorables aux salariés qui ne sont pas présents sur toute la période d'acquisition.

Ainsi, équivalent à un mois de travail les périodes de 4 semaines de travail ou 20 jours de travail si l’horaire hebdomadaire est réparti sur 5 jours (24 jours s'il est réparti sur 6 jours, 22 jours s'il est réparti sur 5,5 jours). Il suffit donc de totaliser 48 semaines de travail (ou de périodes pleinement assimilées type congé de maternité) pour acquérir 30 jours ouvrables de congés ;

 

-          à l’employeur, de limiter le report des congés acquis en instaurant un délai de 15 mois, au-delà duquel les congés acquis et non pris sont perdus (v. détail ci-après).

 

 

Une nouvelle obligation d’information est par ailleurs mise à la charge des employeurs : dans le mois suivant le retour du salarié absent pour maladie ou AT, il convient de l’informer par écrit sur ses droits à congés, par tout moyen conférant date certaine à l’information (de préférence LRAR ou lettre remise en propre contre récépissé).

L’information doit préciser :

- le nombre de jours de congés dont le salarié dispose (acquis et non pris),

- le terme du report (c’est-à-dire la date jusqu’à laquelle ces congés peuvent être pris).

 

Cette information est capitale puisqu’elle permettra de fixer avec précision le point de départ du délai de report visé ci-avant.

La date de début du délai de report dépend de la situation rencontrée.

 

Le délai démarre :

 -          à la fin de la période d’acquisition des congés (période dite « de référence ») si le salarié est absent sur la totalité de la période de référence (soit depuis au moins un an au terme de la période d’acquisition) ;

La période de report de 15 mois peut alors démarrer sans attendre la reprise du travail et sans que le salarié ait été informé des droits reportés et de la durée de ce report.

Exemple : pour des congés acquis pendant un arrêt couvrant toute la période de référence (du 1er juin N au 31 mai N+1), le délai de report commence à courir à compter du 1er  juin N+1.

Si le salarié reprend le travail après que la période des 15 mois de report a expiré, il perd ses droits à congés payés.

Si, en revanche, le salarié reprend le travail avant l’expiration du délai de report, il conviendra de lui faire l’information écrite sur ses droits à congés et la date jusqu’à laquelle il pourra les prendre. Dans cette hypothèse, la période de report sera suspendue jusqu’à la date de cette information. La fin du délai de report correspondra alors, non pas au 31/08/N+1, mais au 31 août N+1 + le nombre de jours écoulés entre la date de retour du salarié au travail et celle de l’information qui lui sera faite sur le nombre de jours à prendre et la date limite de prise de ceux-ci ;

-          ou, lorsque l’arrêt de travail ne couvre pas toute la période de référence, à la date à laquelle le salarié aura reçu, après reprise du travail, l’information sur le nombre de jours de congés dont il dispose et la date ultime de prise de ceux-ci (v. ci-avant).

 Attention, ce droit au report des congés n’est ouvert qu’en cas d’impossibilité pour le salarié, en raison d’une maladie ou d’un accident professionnel ou non, de poser, au cours de la période « normale » de prise en cours au moment de son arrêt de travail, tout ou partie de ses congés.

Quant à la rétroactivité de certaines de ces règles au 1er décembre 2009 (date du traité de Lisbonne ayant donné une force juridique contraignante à la Charte des droits fondamentaux de l'UE sur le fondement de laquelle la Haute Cour a délaissé les dispositions prévues par le code du travail venant contredire celles en question de la Charte), elle concerne :

- l’acquisition de congés pendant un arrêt maladie dans la limite de 2 jours ouvrables par mois (soit 24 jours par an) ;

- la période de report des congés de 15 mois  ;

- mais pas la suppression de la limite d’un an pour acquérir des congés en cas d’arrêt AT/MP (le risque pourrait cependant exister que des salariés ou ex-salariés invoquent les arrêts du 13 septembre 2023).

 

L’acquisition rétroactive de congés, au titre d’arrêts de travail avant le 24 avril 2024, ne peut pas permettre au salarié de bénéficier de plus de 24 jours ouvrables de congés par période d’acquisition, après qu’aient été pris en compte les jours déjà acquis sur cette période (travail effectif, congé de maternité, AT/MP, dispositions conventionnelles, etc.).

Ainsi, un salarié, en arrêt maladie pendant 4 mois et qui aurait travaillé 8 mois sur la période de référence courant de juin 2022 à mai 2023, aurait déjà acquis 20 jours ouvrables de congés au titre du travail effectif (2,5 jours x 8 mois). Il ne pourrait réclamer que 4 jours de congés correspondant à l’arrêt maladie (et non pas 8 jours : 2 jours x 4 mois).

 

Enfin, des délais de forclusion différents sont applicables pour les salariés en poste et pour ceux ayant déjà quitté l’entreprise.

 

Compte tenu de la complexité de ces règles, de nombreuses questions restent encore en suspens et la réponse de la cour de cassation est attendue.

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