Partage de la valeur
12/01/2024À titre expérimental, pour une durée de cinq ans, les entreprises de 11 à moins de 50 salariés seront tenues de mettre en place au moins un dispositif de partage de la valeur (participation, intéressement, abondement à un plan d’épargne salariale, versement de la PPV, etc.) lorsqu’elles :
- n’ont pas le statut d’entreprise individuelle ;
- réalisent un bénéfice net fiscal positif au moins égal à 1 % du chiffre d’affaires pendant trois exercices consécutifs ;
- ne sont pas déjà couvertes par un dispositif de partage de la valeur qui s’applique au titre de l’exercice considéré.
L’obligation de mettre en place un dispositif de partage de la valeur entrera en vigueur au 1er janvier 2025.
Pour chaque exercice, la condition relative à la réalisation du bénéfice net fiscal s’appréciera sur la base des trois exercices précédents (par exemple, pour l’exercice 2025, on regardera les exercices 2022, 2023 et 2024). Anticiper semble donc être la meilleure option.
Selon le même calendrier, une obligation similaire de partage de la valeur s’appliquera aux entreprises de l’Économie sociale et solidaire (ESS), lorsqu’un accord de branche étendu le permettra, sous certaines conditions.
Le développement de la participation est également facilité dans les entreprises de moins de 50 salariés, et ce à titre expérimental pour une durée de cinq ans.
Ces entreprises pourront mettre en place un dispositif de participation avec une formule de calcul dérogatoire, pouvant mener à un résultat plus favorable ou moins favorable que celui obtenu avec la formule légale :
- soit en reprenant le dispositif négocié par la branche via un accord collectif ou une décision unilatérale ;
- soit en négociant par accord leur propre dispositif de participation.
Les entreprises de moins de 50 salariés appliquant déjà un mécanisme de participation à la date d’entrée en vigueur de la loi ne pourront opter pour le régime dérogatoire moins favorable qu’en concluant un nouvel accord de participation, sans possibilité de passer par une décision unilatérale.
Par ailleurs, les entreprises de 50 salariés et plus, pourvues d’au moins un délégué syndical et soumises à l’obligation de mettre en place la participation qui ouvrent une négociation sur l’intéressement ou la participation, devront obligatoirement négocier les deux points suivants.
- la définition d’une augmentation exceptionnelle de leur bénéfice ;
Celle-ci doit prendre en compte des critères tels que la taille de l’entreprise, le secteur d’activité, la survenance d’une ou plusieurs opérations de rachat d’actions de l’entreprise suivie de leur annulation dès lors que ces opérations n’ont pas été précédées d’attribution gratuite aux salariés, les bénéfices réalisés lors des années précédentes ou les événements exceptionnels externes à l’entreprise intervenus avant la réalisation du bénéfice ;
- les modalités de partage de la valeur avec les salariés qui en découlent ;
Le partage de la valeur pourra se traduire :
- soit par le versement d’un supplément de participation ou d’intéressement au titre de l’exercice clos ;
- soit par l’ouverture d’une nouvelle négociation ayant pour objet de mettre en place un dispositif d’intéressement, lorsqu’il n’existe pas dans l’entreprise, de verser un supplément d’intéressement ou de participation, d’abonder un plan d’épargne salariale (PEE, PEI, PERCO, PERCO-I, PERE-CO ou PERE-CO-I), ou de verser une prime de partage de la valeur (PPV).
Deux catégories d’employeurs échapperont à la nouvelle obligation de négociation sur le partage de la valeur en cas de bénéfice exceptionnel :
- les entreprises qui ont mis en place un accord de participation ou d’intéressement comprenant déjà une clause spécifique prenant en compte les bénéfices exceptionnels ;
- celles qui ont mis en place un régime de participation sur une base de calcul conduisant à un résultat plus favorable que la formule légale.
Ce dispositif est entré en vigueur dès le lendemain de la publication de la loi.
Les entreprises déjà couvertes par un accord de participation et/ou d’intéressement au moment de l’entrée en vigueur de la loi, et remplissant les conditions exposées ci-dessus, seront tenues, avant le 30 juin 2024, d’ouvrir une négociation sur la définition d’une augmentation exceptionnelle de leur bénéfice et sur les modalités de partage de la valeur avec les salariés qui en découlent.
Par exception, cette obligation de négocier ne s’appliquera pas aux entreprises prenant déjà en compte les bénéfices exceptionnels dans leur accord de participation ou d’intéressement, ou appliquant une formule dérogatoire de participation plus favorable que la loi.
Autre mesure : les règles de franchissement du seuil de 50 salariés conduisant à la mise en place obligatoire de la participation seront aménagées : est ainsi supprimée la règle reportant de trois ans l’obligation de mettre en place la participation en présence d’un accord d’intéressement.
Les entreprises bénéficiant d’un report en application de cette disposition, au jour de l’entrée en vigueur de la loi, pourront continuer à en bénéficier jusqu’au terme du report.
Concernant la prime de partage de valeur (PPV), la loi prévoit :
- la possibilité d’octroyer deux PPV par année civile, dans la limite du plafond, avec toujours la possibilité de fractionner le versement de chaque prime, dans la limite de quatre fractions (une par trimestre) ;
- de maintenir, à compter du 1er janvier 2024 et jusqu’au 31 décembre 2026, pour les entreprises de moins de 50 salariés, le régime social et fiscal renforcé d’exonération, en vigueur au 1er janvier 2023 (exonération de cotisations sociales, de CSG/CRDS, de taxe sur les salaires et d'impôt sur le revenu pour les PPV versées à des salariés ayant perçu, au cours des douze mois précédant le versement de la prime, une rémunération inférieure à trois fois la valeur annuelle du SMIC).
Pour les entreprises de 50 salariés et plus, pas de changement : le régime renforcé d'exonération a pris fin le 31 décembre 2023. Restera donc l’exonération sociale « de base » attachée à la PPV (exonération de toutes cotisations sociales d’origine légale ou conventionnelle dans la limite de 3 000 € ou 6 000 €par an et par bénéficiaire, selon la situation de l'entreprise*).
*Pour rappel, la limite d’exonération est portée à 6 000 € dans quatre situations :
- l'entreprise est dotée d’un dispositif d’intéressement ;
- elle applique de façon volontaire un dispositif de participation (entreprise de moins de 50 salariés) ;
- il s’agit d’une association ou fondation reconnue d’utilité publique ou d’intérêt général auxquelles peuvent être faits des dons ouvrant droit à réduction d’impôt ;
- dans les établissements ou services d'aide par le travail (ESAT), pour les primes versées aux travailleurs handicapés sous contrat de soutien et d’aide par le travail ;
- la possibilité de placer tout ou partie de la prime sur un plan d’épargne salariale ou retraite, et de bénéficier ainsi d’une exonération d’impôt sur le revenu dans la limite des plafonds légaux de la PPV (un décret est toutefois attendu quant au délai d’affectation des sommes) ; une information des bénéficiaires, notamment quant au délai de formulation de la demande d’affectation au plan d’épargne, est mise à la charge de l’entreprise ;
- de permettre à l’employeur d’abonder, dans les conditions de droit commun et si cet abondement est prévu par le règlement du plan, les sommes issues de la prime de partage de la valeur lorsqu’elles sont affectées à un plan d’épargne d’entreprise (PEE, PEI) ou à un plan d’épargne retraite (PER, PERCO, PEREC).
Cette mesure est entrée en vigueur le lendemain de la publication de la loi au JO.
A noter : les PPV exonérées d’impôt sur le revenu, versées à partir du 1er janvier 2024, sont comprises dans le revenu fiscal de référence, à l’instar de celles versées jusqu’au 31 décembre 2023.
Dans la même lignée, un nouveau dispositif facultatif de partage de la valeur dans l’entreprise est instauré : le plan de partage de la valorisation de l’entreprise (PPVE).
Ce dispositif permet aux entreprises de verser à leurs salariés, dans un cadre social et fiscal incitatif, une « prime de partage de la valorisation de l’entreprise » lorsque la valeur de l’entreprise augmente sur trois ans, en référence à une date fixée dans l’accord mettant en place le plan.
Les entreprises et groupes de toute taille pourront l’instituer pour une durée de trois ans par accord collectif, accord conclu au sein du CSE, ou à la suite de la ratification, à la majorité des deux tiers du personnel, d’un projet d’accord proposé par l’employeur. L’accord précisera les différentes modalités d’application de la PPVE.
Le PPVE bénéficiera à l’ensemble des salariés ayant au moins un an d’ancienneté (sauf condition d’ancienneté inférieure fixée par l’accord) avant le début de l’application du PPVE, sous réserve qu’ils ne quittent pas l’entreprise durant les trois ans du plan.
Chaque salarié se verra attribuer un montant de référence, qui pourra varier entre les salariés en fonction de la rémunération, du niveau de classification ou de la durée de travail prévue au contrat de travail.
À l’issue d’un cycle de trois ans, le salarié bénéficiaire percevra une somme correspondant au montant de référence auquel sera appliqué, lorsqu’il est positif, le pourcentage de variation de la valeur de l’entreprise sur le cycle, dans la limite des trois quarts du plafond annuel de la sécurité sociale(PASS). Cette somme, qui pourra être versée en plusieurs fois dans un délai de 19 mois à l’expiration du cycle de trois ans, sera exonérée de cotisations sociales, d’impôt sur le revenu et de forfait social. Elle ne sera assujettie qu’à une contribution sociale patronale spécifique de 20 %. Elle sera par ailleurs exonérée d’impôt sur le revenu dans la limite de 5% des 3/4 du PASS si elle est placée et bloquée sur un plan d’épargne (dans un délai défini par décret). En cas d’évolution nulle ou négative de la valorisation de l’entreprise, le salarié ne bénéficiera d’aucune somme.
Le PPVE ne pourra se substituer au salaire, augmentations ou primes et aux sommes versées au titre des autres dispositifs d’épargne ou de partage de la valeur.
Par ailleurs, afin de développer l’actionnariat salarié, la loi prévoit notamment de :
- rehausser le plafond global d’attribution d’actions gratuites.
Celui-ci passe ainsi de 10 à 15 % du capital social pour les grandes entreprises et les ETI et de 15 à 20 % du capital social pour les PME. Le plafond atteint 40 % du total du capital social de l’entreprise (au lieu de 30 %) lorsque le plan d’actions gratuites bénéficie à l’ensemble des salariés. Un plafond global intermédiaire (30 % du capital social) est instauré pour les distributions bénéficiant à des salariés représentant à la fois plus de 25 % de la masse salariale et plus de 50 % de l’effectif salarié, conditionné au respect du ratio d’écart entre le nombre d’actions attribuées à chaque salarié (un pour cinq) ;
- exclure les actions détenues depuis plus de sept ans du calcul du pourcentage maximal du capital social que peut détenir un salarié ou mandataire social pour avoir le droit de se voir attribuer des actions gratuites.
En complément des nouvelles obligations imposées aux entreprises, la loi prévoit également différentes simplifications des dispositifs de partage de la valeur, à savoir :
- la mise en place d’un système d’avances des sommes résultant de l’intéressement ou de la participation, avec l’accord du bénéficiaire et selon une périodicité qui ne pourra être inférieure au trimestre. En cas de trop-perçu, le bénéficiaire le remboursera à l’employeur sous la forme d’une retenue sur salaire dans les conditions légales ;
- la sécurisation des accords d’intéressement prévoyant des primes plus favorables aux bas salaires, à l’instar de ce qui existe déjà pour la participation ;
- la simplification de la procédure de révision du contenu des PEI (plans d’épargne interentreprises), en raccourcissant les délais de mise en œuvre des modifications de leur contenu et en permettant d’ajouter de nouvelles possibilités d’affectation des sommes sur simple information des entreprises adhérentes.
Enfin, et de manière générale, les sommes attribuées au titre de l'intéressement, de la participation, d'un plan d'épargne salariale (abondement de l'entreprise) ou de la prime de partage de la valeur ne doivent en aucun cas se substituer à un élément de rémunération versé par l'employeur ou qui deviendrait obligatoire.